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Le premier vaccin de laboratoire

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Nous avons vu dans deux articles précédents l’invention, ou plutôt la découverte, des deux premiers vaccins, que l’on peut qualifier de « naturels ». Le premier prémunit contre la variole grâce à un virus voisin mais très peu virulent pour l’homme; le second consiste en une inoculation du microbe virulent en un endroit tel que ll’immunité est acquise sans que l’infection ne se propage. Tout cela est bel et bon, mais ne peut être généralisé à tous les microbes virulents pour lesquelles il n’existe pas de variant naturellement atténué. D’autre part, on frémit à l’idée de reproduire les recherches de Louis Willems chez l’humain!

En 1879, Le graal de la microbiologie infectieuse naissante est donc la fabrication d’un vaccin. grâce aux travaux de Pasteur (et bien d’autres), on découvre peu à peu que les maladies humaines sont souvent semblables aux « maladies » du vin ou de la bière, étudiées par Pasteur et dues à la présence de microbes indésirables. Si je cite si souvent Pasteur, c’est bien parce qu’il a eu un rôle prépondérant dans la découverte du premier vaccin de laboratoire; mais de quelle maladie s’agissait-il? La mémoire collective rapproche volontiers Pasteur du vaccin contre la rage; plus rarement, on entend parler du vaccin contre le charbon chez le mouton (l’anthrax!). Effectivement, Pasteur découvrira les vaccins contre ces maladies, mais après une autre découverte. La première. Le premier vaccin jamais fabriqué de la main de l’homme. Celui qui devait éradiquer un fléau.
Le choléra des poules.

D’accord, j’ai un peu exagéré mes effets. Qui se souciait du choléra des poules? Personne, sauf bien sûr les éleveurs de gallinacés… Cette maladie se manifeste par une somnolence importante du volatile, accompagnée de fièvre et qui conduit à la mort. Pasteur venait d’isoler le microbe responsable de cette maladie, car cultivé dans un milieu adéquat en culture pure, il était capable de reproduire la pathologie (je me réfère bien sûr aux postulats de Koch, détaillés dans un autre billet). Pasteur dispose donc dans son laboratoire d’une souche virulente. Mais l’été 1879 arrive déjà, et il faut bien partir en vacances! Il confie donc à Chamberland, un post-doc de l’époque, l’entretien de cette souche, ce qui consiste en un repiquage régulier en milieu frais pour éviter qu’elle ne meure. J’imagine sans peine le dialogue intemporel entre Pasteur, auréolé de gloire et bronzé par anticipation, et son fidèle valet de paillasse: « Mon p’tit Chamberland, après avoir fait le ménage dans le laboratoire chaque soir, vous n’oublierez pas de repiquer le microbe du choléra des poules! ».

Mais voilà, bien que brillant (on lui doit l’invention de l’autoclave qui permet encore aujourd’hui de stériliser matériels et milieux de culture), Chamberland a un gros défaut: il est distrait. Ne lui jetez pas la pierre, je connais des gens très bien à qui ça arrive. Car lorsque le patron -Pasteur- rentre de vacances et qu’il souhaite reprendre ses expériences, il ne parvient pas à provoquer le choléra chez ses poules. Quel regard noir a-t-il dû lancer à Chamberland! Ce dernier, certainement tremblant de peur, finit par avouer qu’il avait oublié d’entretenir la culture de ce germe, qui avait donc passé un mois exposé à l’oxygène et sans nourriture. Une fois le microbe agonisant, « atténué », il n’était pas surprenant qu’il ne puisse provoquer de maladie, mais Pasteur a une inspiration: aux poules qu’il a inoculé avec le microbe ainsi négligé, il injecte une souche virulente. Les poules ainsi traitées ne meurent pas, alors même que la souche utilisée s’avère capable de tuer un animal quelconque. Il y a bien eu immunisation des gallinacés, et par un hasard extraordinaire, Pasteur sait comment reproduire ce résultat, même dans l’ignorance du mécanisme impliqué. Mieux, le microbe ainsi atténué ne retrouve jamais sa virulence, traumatisé par cette longue période de famine; cultivé, il constitue donc une source renouvelable de vaccin.Effectivement, pour reprendre les propres mots de Pasteur, « dans les champs de l’observation, le hasard ne favorise que les esprits préparés »! La voie est donc ouverte: par la suite, il atténuera le bacille du charbon, un travail long et pénible car cette bactérie a la propriété de sporuler, ce qui préserve sa vie en même temps que sa virulence. Enfin, le vaccin contre la rage sera expérimenté dans l’urgence et sur l’homme en 1885. Les mécanismes de l’immunité ne seront découverts que bien plus tard, en particulier grâce à Metchnikoff auquel Pasteur donnera raison contre lui-même. En l’absence d’une meilleure théorie, il pensait en effet que le microbe atténué épuisait une ressource limitante dans le corps de l’hôte, privant ainsi le pathogène d’un terrain favorable.

Pasteur et un graal microbiologique

Je finirai avec un petit mot sur le choléra des poules, maladie inconnue mais à laquelle on doit tant. Elle n’a rien à voir avec le « vrai » choléra, provoqué par la bactérie Vibrio cholerae, ce qui est faussement suggéré par la page de Wikipedia concernant l’histoire des vaccins. Le choléra des poules est bien provoqué par une bactérie, mais appartenant à un genre différent depuis baptisé… Pasteurella.


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