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La découverte de la pénicilline et des premiers antibiotiques

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La légende de la microbiologie attribue à Alexander Fleming seul le mérite de la découverte de la pénicilline, le premier antibiotique (d’après Wikipedia, « Fleming was the first to notice the antibiotic properties of moulds and fungi.« ). Il a bien sûr eu de lointains précurseurs, paysans européens ou cavaliers arabes : depuis des siècles, des moisissures prélevées sur le pain ou les harnais des chevaux étaient utilisées pour prévenir l’infection des plaies. Plus près de nous, Pasteur et Joubert expérimentèrent et théorisèrent en 1877 la concurrence vitale entre microorganismes (aussi appelée antibiose), en l’occurrence entre bactéries. Par la suite, de nombreuses interactions entre microorganismes furent décrites, en particulier dans la thèse d’Ernest Duchesne, intitulée « contribution à l’étude de la concurrence vitale chez les microorganismes ; antagonisme entre les moisissures et les microbes » et soutenue en 1897. Il y rapporte ses expériences qui mettent en évidence l’action de Penicillium glaucum, moisissure commune (que l’on trouve en particulier dans le bleu d’Auvergne) sur diverses cultures bactériennes. Dans les décennies qui suivirent, ces résultats furent reproduits et étendus à d’autres espèces de moisissures et de bactéries.

En 1928, Alexander Fleming oublie dans son laboratoire une boîte de Petri contenant une culture bactérienne. Geste lourd de conséquences, qui donna à des générations de microbiologistes foi dans leurs erreurs ! A son retour, Fleming constate que la présence d’une moisissure, Penicillium glaucum a empêché la croissance de ses staphylocoques. Il redécouvre donc les résultats de Duchesne, pour les approfondir sélectionne une souche plus efficace qu’il nomme Penicillium notatum, et en isole la pénicilline. Constatant l’instabilité de cette dernière, les difficultés pour la produire et la purifier en quantités suffisantes, il abandonne ses travaux. Jusque-là, il semble que la leçon de Pasteur (profiter des hasards favorables) n’ait pas porté tous ses fruits. De plus, la caractérisation des sulfamides, d’autres antibiotiques découverts en 1935, laisse la pénicilline dans l’ombre. Ces molécules sont pourtant assez limitées, dans la mesure où elles ne font que mimer un substrat des bactéries. En 1938, René Dubos isole la tyrothricine de Bacillus brevis, qu’il appelle un « antibiotique ». Ce qui est en réalité une combinaison de deux molécules s’avère toxique pour l’homme mais fait merveille appliquée sur les plaies. En 1939, Howard Florey et Ernst Boris Chain reprennent les travaux de Fleming et parviennent à produire la pénicilline à grande échelle, à la purifier, ce qui la rend plus stable et moins toxique. Alors que les premiers résultats cliniques sont prometteurs pour le conflit qui fait rage en Europe, les chercheurs en quête d’une pécilline plus efficace se font adresser du monde entier des souches de Penicillium. La plus efficace de toutes, qui est encore aujourd’hui à la base des pénicillines, Penicillium chrysogenum, sera rapportée par la laborantine « Mouldy-Mary »…d’un melon pourri du marché voisin. La pénicilline est utilisée à partir de 1943 dans les armées alliées, mais reste rare et donc réservée aux militaires. Elle fut disponible en pharmacie en 1946 et permit de guérir pneumonies, méningites et syphilis. Fleming, qui reçoit avec Florey et Chain le prix Nobel en 1945, ne fut donc qu’un des nombreux acteurs de la saga des antibiotiques et de la pénicilline. La leçon cynique de l’histoire du premier antibiotique, c’est qu’il a fallu un contexte de guerre mondiale pour que des chercheurs aillent au fond des observations de Duchesne 70 ans plus tôt…

Bien d’autres molécules seront synthétisées ou découvertes chez les champignons et bactéries filamenteuses (Actinomycètes), et sont aujourd’hui largement utilisées (peut-être à tort et à travers, d’ailleurs). Les antibiotiques ont différentes cibles dans la cellule bactérienne : ils peuvent inhiber la synthèse de la paroi (pénicillines et céphalosporines qui appartiennent aux beta-lactamines, vancomycine), inhiber la traduction de l’ARNm en protéine (kanamycine, streptomycine, chloramphénicol), provoquer des cassures de l’ADN en inhibant l’ADN gyrase (quinolones, fluoroquinolones). Les antibiotiques permirent de guérir certaines maladies jusque-là fatales, comme les méningites ou la tuberculose. Les antibiotiques avaient tout pour être la panacée contre les maladies infectieuses, mais…

Alors que les antibiotiques sont tous des molécules produites par des microorganismes de l’environnement (ou en sont dérivés) probablement à des fins de compétition, les résistances correspondantes ont toujours existé dans la nature. Ce n’est donc qu’une question de temps avant que les gènes de résistance à un nouvel antibiotique ne soient transmis des microbes de l’environnement au microbe responsable de l’infection. Puis, la sélection naturelle aidant, ces gènes se répandent chez tous les pathogènes semblables et traités de la même façon. Ainsi, les résistances aux premières pénicillines étaient déjà communes dans les années 50 ! De nombreux facteurs favorisent cette propagation des résistances, comme la flore buccale, composée de streptocoques qui se comportent littéralement comme un réservoir de gènes de résistance, et les hôpitaux, où la proximité des malades favorise la transmission de microbes résistants.


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